LES TEXTES SACRES
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Quand on étudie les textes sacrés, si semblables entre eux, malgré l’éloignement des lieux où ils ont vu le jour, on est frappé de remarquer combien certains faits décrits sont proches de la vie de notre microcosme. Et bien souvent, la vie même des maîtres ou envoyés de Dieu semble se calquer sur celle de notre pierre, lors des phases qui la conduisent à l’état de pureté parfaite. Parmi ces textes, nous avons les lois de Manou, le tao, la genèse déjà évoquée, les tablettes chaldéennes, la bible des noirs, le nouveau testament, sans oublier les papyrus égyptiens.

Il semble, comme le fait remarquer A.Volguine, qu’une loi d’analogie lie inextricablement un grand principe philosophal émanant du macrocosme et un grand principe philosophale humain, le second étant le reflet exact du premier.

Ainsi pourrions-nous étudier la vie d’Isis, Osiris, Horus, Lao Tseu, Elie, Elisée, Boudha, Jésus ou Moïse et nous constaterions alors la même marche parallèle entre notre soleil hermétique et les grandes phases de la vie de ces envoyés de Dieu.

Parce qu’il est proche de la voie que nous suivons, parce qu’il interpelle en nous un nom plus que prestigieux, nous allons évoquer la vie de Mani.

Au III ème siècle de notre ère en Babylonie, dans cette région entre Tibre et Euphrate où les légendes situent l’Eden, naquit une philosophie nouvelle qui connut une prodigieuse expansion, allant des rivages de la mer de Chine à ceux de l’Atlantique et dont les principes vivent encore de nos jours. Cette philosophie s’appelait manichéisme, du nom même de son fondateur Mani, que l’on appelait aussi Manès ou Manichée.

Cette foi manichéenne refleurit du XI ème au XIII ème siècle, dans le pays d’oc, en prenant le nom de foi cathare. Et il fallut à l’église romaine plus de cinquante années d’une guerre et d’une répression sans merci pour extirper cette foi en un dieu bon, profondément ancrée dans les coeurs occitans, et recouvrir d’un voile d’obscurantisme une sagesse transcendantale.

Le mot Mani, en sanscrit, désigne une pierre précieuse, une gemme et si nous lui adjoignions le terme de Maha qui signifie grand, nous aurons immédiatement l’évocation de notre grande pierre que l’on appelle encore rubis précieux, si cher au coeur du philosophe.

Nous pouvons aussi rapprocher Mani du mot syriaque Mana qui signifie réceptacle ou vase, et qui évoque ce « vase du salut » qui, selon la légende, fut taillé dans une pierre précieuse appelée émeraude. Mais le surnom de Manichée, attribué à Mani, peut être interprété comme voulant dire « le vase qui répand la manne ». Cette manne menue et perlée qui apparaît sur le sol, permit aux enfants d’Israël de se nourrir lors de leur fuite d’Egypte pendant la traversée du désert. Si nous nous référons à la sainte bible, nous pouvons recueillir de précieuses informations au sujet de cette manne. Les cailles, qui en même temps que la manne, nourrirent aussi les fils d’Israël suggèrent, de leur côté, cette nourriture carnée qui sert à remplacer le lait de la vierge et à nourrir l’enfant devenu grand.

Mani naquit à Abrumya en l’an 527 de l’ère séleucide, c’est-à-dire le 14 avril 216. Il était perse par sa mère Maryam qui était apparentée à la dynastie régnante des Arsacides. Comme beaucoup d’élus, sa naissance fut annoncée par un ange. Mais celui-ci n’informa pas Maryam que l’enfant serait infirme. En effet Mani, à la naissance, avait la jambe droite tordue et restera boiteux. Maryam et son époux Patek étaient des adeptes de la religion de Zoroastre dans laquelle ils élevèrent leur petit garçon. Ils rallièrent ensuite la secte des Manqdé, c’est-à-dire des purs dont on appelait les membres Hallé Héwari, les vêtus de blanc. Si l’existence de Zoroastre reste douteuse, il est certain que la religion fondée en son nom exerça une immense influence. En supprimant les sacrifices coûteux et en réduisant à leur plus simple expression le culte du boeuf et du feu, elle se tourna résolument vers les humbles. Le zoroastrisme conservait l’idée d’un conflit permanent entre deux principes, le Bien et le Mal, et devait trouver son terme avec la venue d’un messie, d’un sauveur. Mani conserva cette idée au centre de son système. Il inaugura son apostolat par un voyage en Inde où il convertit un roi, puis revint en Perse où il gagna à sa cause le roi Shahpûr 1er. Mais lorsque celui-ci mourra, son successeur, Bahram 1er, fera jeter Mani en prison. Couvert de chaînes, il subira une passion de 26 jours avec une sérénité exemplaire et mourra après avoir pris le soleil à témoin de l’injustice des puissants. Son corps sera déchiré en morceaux, mais ses adeptes recueilleront pieusement ses reliques et les enseveliront à Ctésiphon.

Il est étrange de constater combien la philosophie manichéenne est proche, dans ses principes, de notre sainte science et ceux qui, déjà, auront pu percer quelques uns de ses mystères, comprendront tout de suite les explications que nous allons donner.

L’idée centrale de la doctrine manichéenne est la suivante : puisque Dieu est bon et que le monde est en proie au mal, le monde n’est pas l’oeuvre de Dieu mais celle d’un esprit malin et toute son histoire est celle d’une lutte sans merci entre deux principes de puissance égale, le bon et le mauvais, l’esprit et la matière. Au cours de leur premier affrontement une parcelle de lumière émanée du Père de la grandeur restera prisonnière dans la création charnelle du prince des ténèbres. C’est la raison pour laquelle notre monde sera celui du mélange. Cependant, la présence en son sein de ce germe spirituel le promet au salut après qu’il soit passé par des phases d’épuration successives. Au terme de celles-ci, lumière et ténèbres, esprit et matière seront séparés, comme au commencement des temps, sans qu’une contamination de l’un par l’autre ne soit possible.

Un certain nombre d’historiens des religions tiennent pour réelle l’existence de Mani. Mais, ainsi qu’il en fut pour la vie de beaucoup d’envoyés de Dieu, certaines particularités ou caractéristiques ont été calquées sur un grand principe qui remonte à la nuit des temps et qui fait partie de cette tradition transmise au cours des siècles sous le voile caché du symbole.

Le nom même de Maryam, la mère de Mani, l’Annonciation qui lui fut faite par un ange, relèvent déjà d’un légendaire que l’on retrouve dans la vie de Jésus et de sa mère Marie.

Ce caractère mythique de la vie de Mani s’affirme aussi dans sa parenté : son père est d’extraction quelconque et a fait voeu de chasteté, sa mère au contraire est de souche royale. Thème bien connu, le père de l’initié n’est pas son vrai père. Sa filiation est à la fois occulte et hors du commun puisqu’elle est surnaturelle. Il n’a qu’un père par l’esprit. C’est la raison pour laquelle sa généalogie se révèle par le côté maternel et à la faveur de traits prodigieux : conception virginale, naissance annoncée ou miraculeuse... Autant de signes de sa royauté cachée qui révéleront plus tard sa mission ou ses hauts faits.

Déjà nous avons révélé que deux matières étaient nécessaires à l’élaboration de notre pierre. L’une d’elle relève de la même conception miraculeuse et se trouve conçue par la mère primordiale sans l’intervention d’agent extérieur autre que le Feu ou Esprit Saint. Par contre, notre autre matière sera conçue d’un père terrestre.

L’infirmité congénitale de Mani se rattache aussi à un thème bien connu, celui de la boiterie initiatique qu’on retrouve chez Vulcain, chez Jacob après sa lutte avec l’ange, chez Gengis Khan... L’infériorité d’un personnage quant au pied est un signe de sa supériorité quant à la tête, à ses facultés supérieures. Nous retrouvons en notre ouvrage ces particularités où la même matière verra sa noblesse manifestée dans les parties supérieures alors que les parties inférieures constituent ce caput mortuum, inutile et sans valeur, quand la lumière s’en est allée.

Ainsi s’explique dans de nombreuses légendes relatives aux « maîtres du feu » des personnages présentant la même infirmité que celle de Mani.

Enfin, la mort de Mani dont le corps est déchiré en morceaux a, elle aussi, un sens mythique. Comme celui de notre prophète, le corps de l’Osiris égyptien fut partagé en morceaux. Romulus, Orphée, Dionysos, Attis, subirent un sort analogue. De nombreuses traditions reflètent cette image de la mort par déchirement.

Dans notre oeuvre notre matière, avant de renaître à une seconde vie doit, elle aussi, subir le même sort. Elle doit être broyée, mise en lambeaux. Et ce n’est qu’en procédant ainsi que l’heureux élu pourra parachever l’oeuvre et manifester toute la puissance que notre pierre aura pu acquérir de son premier parcours.

Les manichéens essaimèrent jusqu’en Egypte et en Afrique du nord où ils rallièrent à leur foi Saint Augustin, pénétrèrent en Asie centrale où ils convertirent l’immense empire Ouigour, poussèrent jusqu’en Chine où ils resteront actifs jusqu’au XV ème siècle, prirent pied dans la Rome des derniers Césars puis, sous le nom de Bogomils (amis de Dieu) gagnèrent à leur foi, dans les débuts du moyen-âge, bulgares et dalmates. Mais la Rome impériale, celle des papes, les empires arabe et mongol persécutèrent tant et si bien les manichéens que leur survie tient du miracle. Selon H. Ch. Puech, la foi manichéenne existerait encore de nos jours parmi ceux qui se nomment : Chrétiens de Saint Jean. Et nous savons que cet apôtre est le père de l’église secrète et ésotérique, celle qui fut chargée de transmettre la connaissance de la tradition et de guider ceux qui, dûment préparés, sont disposés à emprunter l’un des sentiers qui peuvent les conduire au sommet de la montagne.

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