Sans doute Bussy Rabutin avait-il lu les fables de La Fontaine, son cadet de trois années, lorsqu’il peignit ce tableau champêtre où l’on voit au premier plan un roseau d’une belle couleur brune qui plie sous l’effet d’un zéphyr invisible et porte la devise : « je plie et ne romps pas ». Nous pensons que l’artiste eut l’idée d’utiliser le symbole du roseau (ou "eau de la rosée", dans la langue des oiseaux), parce que son nom même évoque celui de la rosée du printemps. Le Mutus Liber, ce livre si prisé des alchimistes vulgarisa cette rosée, laissant entendre qu’il fallait recueillir cette eau printanière pour la réalisation des opérations du grand oeuvre.

 

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C’est d’ailleurs ce que s’empressent de faire un certain nombre de débutants qui lui attribuent des qualités dont nous la savons dépourvue. La rosée des sages, en effet, est un sel et non une eau. De nombreux philosophes déclarent qu’elle est verte et que c’est la coloration propre de cette eau qui sert à désigner notre sujet. Mais sans trop s’attacher à la couleur, sans doute serait-il utile à l’étudiant de rechercher les raisons secrètes qui poussèrent certains alchimistes rosicruciens du 17 ème siècle à se dénommer eux-mêmes « les frères de la rosée cuite ». Philalhète, de son côté, prescrit de laver le mercure à plusieurs reprises, de façon à lui faire perdre une partie de sa nature huileuse. Il décrit cette opération soigneusement, indiquant qu’elle s’accomplit avec l’eau céleste portée à une certaine température, modérée néanmoins, car il faudrait un rien de trop de chaleur pour que la partie ignée du « flos-coeli » ne reprenne le chemin des astres. Déjà, à l’époque de Bussy Rabutin, J. B. Van Helmont avait effectué, dans son laboratoire de Vilvorde, près de Bruxelles, en 1618, la transmutation métallique. Il écrit à ce sujet : « je suis obligé de croire que la pierre aurifique et argentifique existe, parce qu’à trois reprises séparées, j’ai fait de ma main la projection d’un grain de poudre sur quelque mille grains de vif argent échauffés ». Dans son Ortus Medicinae, il écrit aussi : « j’ai été complètement instruit par le feu que la rosée est assurément riche d’un suc doux et agréable ».

Récoltée en abondance, la rosée élèvera Cyrano jusqu’au mont de la magnésie. Séparant son ascension en deux phases, il insiste alors sur la rosée mercurielle, mais aussi sur l’artifice igné qui permet, ainsi que Bussy Rabutin nous le traduit sur le tableau, au roseau, ou eau de la rosée, de plier sans cependant se rompre.

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