Ce tableau se révèle pour nous
comme un véritable chef-doeuvre de
lart hermétique. Il est la preuve,
par-delà les siècles, que celui qui
la imaginé était un véritable
philosophe par le feu et quil avait su
reconnaître dune façon concrète
et pratique une grande partie de loeuvre
alchimique. Certes, nous navons pas la certitude
quil ait atteint la réalisation ultime, mais
nous savons quil avait acquis des connaissances que
seul un travail répété, assidu et
persévérant auprès de lathanor
ou fourneau philosophique avait pu lui procurer.
Nayant pas eu de formation classique et le latin
se révélant pour nous une langue
difficilement accessible, nous eûmes un jour
lidée de soumettre cette phrase à une
distinguée linguiste qui nous révéla
que si lon prenait le soin de ne pas tenir compte
des deux L placés devant chacun des mots ardore et
ardire, lensemble pouvait se traduire par «
donne à brûler par le feu ».
Le feu, dans le langage symbolique, peut-être
représentatif dun certain nombre
déléments et il est indispensable,
pour que nous puissions le reconnaître, quun
qualificatif laccompagne.
Ainsi le feu naturel représente ce que les
maîtres de lart appellent le soufre ou
lesprit vital caché dans la portion
homogène de la substance métallique. Il
est, selon Limojon de Saint Didier, « le grand
mystère de lart, puisque tous les autres
dépendent de lintelligence de celui-cy
». Que je serais satisfait, ajoute lauteur,
« sil mestoit permis de vous expliquer
ce secret sans équivoque ; mais je ne puis faire
ce quaucun philosophe na cru estre en son
pouvoir. Tout ce que vous pouvez raisonnablement attendre
de moy, cest de vous dire que le feu naturel est un
feu en puissance, qui ne brûle pas les mains, mais
qui fait paraître son efficacité pour peu
quil soit excité par le feu extérieur
».
Le feu secret ou Vulcain Lunatique, parfois
qualifié dinnaturel, se dégage, nous
dit Canseliet, par laction du feu
élémentaire au cours du travail et se
dissimule à lintérieur dun
corps salin que lartiste prépare
lui-même à laide de matériaux
étrangers, serviteurs momentanés de
louvrier. Ce feu secret est lagent actif
introduit par lart dans la semence minérale
et cest lui, nous dit Philalhète, qui fait
le premier tourner lessieu et mouvoir la roue.
Mais afin de vous permettre de découvrir ce que
certains philosophes entendent par leur feu secret, lisez
ou relisez la « légende des cierges verts
» que rapporte Fulcanelli dans « les demeures
philoso-phales ». Cette légende contient,
derrière le voile allégorique, toute la
description du travail nécessaire « à
lextraction du feu secret sous la forme de cristal
translucide, vert, fusible comme de la cire et que les
sages nomment leur vitriol ».
Enfin, notre feu contre nature, celui de nos foyers,
est lanimateur externe des deux autres. Cest
aussi notre feu de roue, lequel, sous peine
darrêt entraînant la perte
consécutive des matières, ne saurait cesser
un seul instant son action. Un excès de feu
gâte tout, mais lextinction complète
du foyer cause la perte irrémédiable du
contenu. « Lor résout une fois en
esprit, sil sent le froid, se perd avec tout
loeuvre », tel est laxiome
hermétique rapporté par Linthaut.
Mais quelle peut être la
température du feu extérieur convenable
à la réalisation du grand oeuvre ? Certains
philosophes donnent à penser quil est
nécessaire de commencer aux environs de 50°
avec une augmentation progressive jusquà
300°. Dautres, et Philalhète est parmi
eux, assurent que « le degré de chaleur
pourra tenir du plomb ou de létain en fusion
», températures qui se situent pour
lune aux environs de 320° et pour lautre
de 230°.
De ces trois feux, lequel notre philosophe
sévertua t-il à dissimuler, puisque
apparemment aucun qualificatif nest venu le
souligner ? Sans doute faut-il chercher dans
lexpression de ces deux lettres L ajoutées
à la devise, non certainement sans pertinente
raison.