Voici un tableau et une devise des plus originaux. Un escargot traîne sa lenteur sous un ciel clair et bleuté. En général notre gastéropode préfère la promenade sous la pluie. Sans doute l’artiste n’avait-il en tête que la seule image de l’escargot qui proclame : « je me rentre en moi-même ».

 

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Bien que nous n’ayons jamais rencontré dans la littérature alchimique un tel symbole, il est aisé d’interpréter l’image que nous a transmise par-delà les siècles notre alchimiste. La coquille de l’escargot peut être considérée comme le refuge, l’asile de protection de l’animal, soit l’équivalent dans notre petit monde de cette minière qui sert de lieu d’abri à notre première matière, volatile et dissolvante, que nous appelons mercure. Nous pouvons faire aussi cet autre rapprochement avec la coquille Saint Jacques qui fut de tout temps considérée comme le réceptacle consacré de l’eau alchimique et que les philosophes nomment Mérelle, ce qui étymologiquement signifie : « mère de la lumière ».

Notre eau trouve sa parfaite réplique dans l’eau bénite des églises que l’ésotérisme religieux offre parfois aux catholiques en d’énormes coquilles servant de bénitiers et, afin de prouver jusqu’où pouvait se cacher cet enseignement si secret, nous citerons la traduction des litanies de Lorette rapportées par Canseliet dans « deux logis alchimiques » : « Toison de Gédéon, arrosée par la rosée du ciel. Et s’étant levé de nuit, de la toison pressée, il remplit une coquille de rosée ».

L’escargot est aussi révélateur par son image même de cette lenteur propre à l’animal. Il nous enseigne ainsi qu’il nous faut faire preuve de beaucoup de patience et accorder au temps sa juste place. Or, le temps a toujours été représenté par Saturne que l’on appelle aussi en hermétique le dragon noir. Fulcanelli, dans « le mystère des cathédrales », nous rappelle que le hiéroglyphe de Saturne, envisagé comme dissolvant, est fort ancien et que, selon la légende, il passait pour dévorer ses enfants.

Afin d’aider le chercheur à décrypter les messages transmis par ceux qui, avant nous, ont parcouru ce rude chemin de la recherche alchimique, nous signalerons que le Saturne des sages est une dénomination anagrammatique de natures, ce qui peut être utile pour découvrir quelle matière se cache derrière ce fameux vase dont nous avons parlé au début de notre travail en tant que dissolvant.

Mais afin de préciser ce que certains philosophes entendent par leur Saturne qu’ils ont aussi voilé sous les expressions de soufre noir, soufre de nature, laton, laiton, corbeau, vénus, nous citerons le conseil rapporté par Canseliet dans la préface des « demeures philosophales » : « cependant, rassemble à part le noir surnageant, puisqu’il est l’huile et le vrai signe de la dissolution, parce que ce qui est dissout parvient au plus haut, d’où l’on sépare des choses inférieures ce qui s’élève et qui cherche à atteindre d’autres lieux, comme un corps d’or. D’autre part, garde celui-ci avec précaution, qu’il ne s’envole pas en fumée ».

« Il faut savoir que ce soufre contient les vertus les plus grandes et les plus rares. Les philosophes l’ont toujours considéré comme un présent du ciel et affirment qu’il est bien difficile de reconnaître dans ce magma déshérité, répulsif d’aspect, le véritable Don de Dieu qui transforme le simple alchimiste en sage et le philosophe en adepte éprouvé ».

Avant de clore ce chapitre, nous ferons une remarque qui sera fort utile au chercheur et peut avoir poussé notre alchimiste à choisir ce symbole peu commun : l’escargot passe l’hiver rétracté dans sa coquille dont il ferme l’orifice en y tendant des lames de bave durcie. Puis, au printemps, lorsque les beaux jours sont de retour et que la douce rosée tisse de perles dorées les jeunes pousses printanières et s’accroche aux fils de la vierge, il rompt cette carapace qui le protégeait pour renaître aux joies d’un nouveau cycle d’activité. Peut être ferez-vous le rapprochement avec notre phénix dont nous avons souvent parlé. Mais chacune des images a sa place et se révèle source d’enseignement pour le chercheur perspicace et laborieux.

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